Le sexe faible ? Groupe d’expérimentation musicale et dramatique autour de la tragique et grotesque question de la femme |
Création 2010 Théâtre musical, à partir de 15 ans. |
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« Je parle de chez les moches, pour les moches, pour les vieilles, les camionneuses, les frigides, les mal baisées, les imbaisables, les hystériques, les tarées, toutes les exclues du grand marché de la bonne meuf. Et je commence par là pour que les choses soient claires : je ne m’excuse de rien, je ne viens pas me plaindre. Je n’échangerais pas ma place contre aucune autre, parce qu’être Virginie Despentes me semble être une affaire plus intéressante à mener que n’importe quelle autre affaire. (…) Quand j’étais au RMI je ne ressentais aucune honte d’être une exclue. Juste de la colère. C’est la même en tant que femme : je ne ressens pas la moindre honte d’être une super bonne meuf. En revanche je suis verte de rage qu’en tant que fille qui intéresse peu les hommes on cherche sans cesse à me faire savoir que je ne devrai même pas être là. On a toujours existé. Même s’il n’était pas question de nous dans les romans d’hommes qui n’imaginent que des femmes avec qui ils voudraient coucher. On a toujours existé, on n’a jamais parlé. Même aujourd’hui que les femmes publient beaucoup de romans on rencontre rarement des personnages féminins au physique ingrat ou médiocre, inaptes à aimer les hommes ou à s’en faire aimer. Au contraire, les héroïnes contemporaines aiment les hommes, les rencontrent facilement, couchent avec eux en deux chapitres, elles jouissent en quatre lignes et elles aiment toutes le sexe. La figure de la looseuse de la féminité m’est plus que sympathique, elle m’est essentielle. Exactement comme la figure du looseur social économique. Je préfère ceux qui n’y arrivent pas pour la bonne et simple raison que je n’y arrive pas très bien moi-même. Je suis plutôt King Kong que Kate Moss comme fille. Je suis ce genre de femme qu’on n’épouse pas, avec qui on ne fait pas d’enfant. Je parle de ma place de femme toujours trop tout ce qu’elle est. Trop agressive, trop bruyante, trop grosse, trop brutale, trop hirsute, toujours trop virile.
Je m’en tape de mettre la gaule à des hommes qui ne me font pas rêver. Il ne m’ait jamais paru flagrant que les filles séduisantes s’éclataient tant que ça. Je me suis toujours sentie moche, je m’en accommode d’autant mieux que ça m’a sauvée d’une vie de merde à me coltiner des mecs gentils qui ne m’auraient jamais emmené plus loin que la ligne bleue des Vosges. Je suis contente de moi plus désirante que désirable. (…) Parce que l’idéal de la femme blanche, séduisante mais pas pute, bien mariée mais pas effacée, travaillant mais sans trop réussir pour ne pas écraser son homme, mince mais pas névrosée par la nourriture, restant indéfiniment jeune sans se faire défigurée par les chirurgiens de l’esthétique, maman épanouie mais pas accaparée par les couches et les devoirs d’école, bonne maitresse de maison mais pas boniche traditionnelle, cultivée mais moins qu’un homme, cette femmes blanche heureuse qu’on nous brandit tout le temps sous le nez, celle à laquelle on devrait faire l’effort de ressembler à part qu’elle a l’air de beaucoup s’emmerder pour pas grand-chose, de toutes façons, je ne l’ai jamais croisé, nulle part. Je crois bien qu’elle n’existe pas.
Extraits de « King Kong théorie » de Virginie Despentes |
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« L’éternel, le sempiternel, c’est cette scission radicale de deux images du féminin : la maman et la putain » Nancy Huston
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